Une semaine après l'incendie qui a ravagé 7 000 hectares dans cette réserve naturelle du Var, des fumeroles sont visibles au pied des arbres calcinés. Des scientifiques et des bénévoles tentent toujours de sauver in extremis des tortues d'Hermann, une espèce menacée. Des touches vertes de végétation redonnent espoir.
Sauvetage de tortues d'Hermann dans la réserve naturelle du massif des Maures (Var) après l'incendie qui a brûlé 8 000 h ectares. © Radio France / Célia QuilleretLe sol est noir, l'odeur est toujours âcre, l'impression d'être dans un cendrier géant est saisissante. Même si des arbres ou des poches de végétation ont survécu, ce paysage désolant prend vite à la gorge. Le directeur scientifique de la réserve naturelle nationale, Dominique Guicheteau, donne les instructions aux bénévoles venus tenter de sauver des tortues.
Après un rendez-vous à la Maison de la nature de Gonfaron, nous sommes en patrouille dans le bois du Roucan, sur la commune de Vidauban. "Vous allez baliser le milieu, prenez bien vos lampes, ne vous brûlez pas les mains", prévient le responsable, debout sur un véhicule, "si vous trouvez une tortue morte, vous criez 'Tortue' et si vous en trouvez une blessée, ou vivante, vous le criez aussi. On prend une cuvette, on la met dans 10 centimètres d'eau et rien que cela, c'est énorme pour la survie des bêtes déshydratées après feu".
Un bénévole mesure une tortue rescapée. © Radio France / Célia Quilleret 50% de taux de survie, un espoir pour les tortues d'HermannC'est le départ. Deux groupes se forment des deux côtés de la piste. Dans ce paysage désolant, Jean-Marie Ballouard, docteur en écologie et membre de la Soptom, la station d'observation et de protection des tortues et de leur milieu est là pour diagnostiquer les reptiles. Tout-à-coup, un bénévole aperçoit une tortue vivante, bien cachée sous une dalle. On ne la dérangera pas, elle restera là, comme depuis une semaine. Elle a dû en effet se réfugier ici pendant le passage du feu.
Un peu plus loin, une autre apparaît, avec sa carapace jaune et noire, elle est en vie également. C'est une femelle. "Ce sont elles qui vont permettre à la population de se restaurer sur le long terme", se réjouit Jean-Marie Ballouard. "Toutes ces tortues doivent rester dans leur milieu, elles pondent plusieurs œufs chaque année, chaque individu a donc un impact fort sur la population", détaille-t-il.
La veille, une cinquantaine de tortues avaient été trouvées, plus de la moitié étaient décédées. "50% de survie, c'est correct", commente-t-il, même si pour cet amoureux des tortues et de la biodiversité de cette plaine des Maures, "c'est un crève-cœur de voir tout cela". Et il tient à faire passer un message : "Il ne faut absolument pas prélever des tortues, elles sont trop habituées à leur milieu !"
Le sol est noir, l'odeur est toujours âcre, l'impression d'être dans un cendrier géant est saisissante © Radio France / Célia Quillere t Des décennies pour revoir un paysage similaireRomain Garrouste, chercheur au muséum national d'histoire naturelle est venu également constater les dégâts. "En tant que citoyen, on est dévasté comme le paysage, et en tant que scientifique on l'est aussi car beaucoup de mesures avaient été prises par la réserve pour préserver ces espace. C'est une catastrophe écologique, même si certains de mes collègues ne le disent pas comme ça et pour revoir la végétation, il faudra attendre 20, 25 ans, ou même davantage", se désole-t-il.
Pour ce chercheur très engagé dans cette réserve, la présence de cette tortue d'Hermann, vestige de la Préhistoire, est bénéfique pour tout le milieu car elle joue le rôle d'espèce parapluie. "C'est grâce à elle que la réserve a été créée, cela profite à toutes les espèces", insiste-t-il. Les tortues blessées sont accueillies dans la clinique vétérinaire du village des tortues à Carnoules. Elles sont soignées, hydratées avant de retrouver leur milieu naturel, peut-être en octobre.
Un peu plus de 200 tortues ont été recensées en une semaine. Il y en aurait 10.000 dans la réserve. Les scientifiques et les bénévoles vont continuer leurs recherches, plusieurs jours. Ils vont également mettre de l'eau sous les dalles pour hydrater le sol et la faune rescapée. Le temps est compté pour sauver cette espèce menacée d'extinction.
Sébastien Caron, vétérinaire soigne avec son équip e de la Soptom une quinzaine de tortues brûlées par l'incendie. Ici au village des tortues à Carnoules. © Radio France / Célia QuilleretQuant aux arbres, certains pourront se régénérer, comme les pins parasols, grâce à leurs graines, intactes, mais cela prendra des décennies. Les poches de végétation donnent de l'espoir, car la forêt méditerranéenne sait revivre de ses cendres, mais pour cela il faut la laisser tranquille.
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