Près de six ans après les attentats du 13-Novembre qui ont fait 130 morts et des milliers de blessés, s'ouvre à Paris mercredi 8 septembre 2021 le procès V13. Au premier jour de cette procédure qui en durera 140, répartis sur neuf mois, actu Paris répond aux questions que soulève cette audience inédite, qui aura lieu sur l'Île de la Cité.
Pourquoi le procès se déroule-t-il au Palais de justice de l'Île de la Cité ?Pour ce procès historique, le nombre de personnes attendues est considérable. Environ 1 800 parties civiles, 330 avocats sans compter les journalistes et les citoyens qui souhaitent assister aux audiences.
Un véritable défi logistique alors qu'aucun tribunal français n'est capable d'accueillir une telle affluence, même pas celui de la porte de Clichy, inauguré en 2017. Malgré les contraintes inhérentes à la nature du Palais de justice, la Chancellerie et la Cour d'appel de Paris ont choisi ce lieu chargé d'histoire, situé au cœur de la capitale, à proximité de la préfecture de police.
L'idée d'organiser le procès dans une salle de congrès avait été évoquée, à l'instar du procès des prothèses PIP qui s'était tenu au Palais des congrès de Marseille, mais très vite les avocats de victimes ont balayé cette option face à la violence que pourrait représenter un tel événement dans une salle de spectacle alors que certaines victimes des attentats n'y mettent plus les pieds.
C'est donc au sein du palais de justice de l'Île de la Cité qu'a été érigée une salle provisoire pouvant accueillir 500 personnes. Près de 7,5 millions d'euros ont été investis pour la réalisation de cet espace situé dans la salle des pas perdus.
Pourquoi n'y aura-t-il pas de jury populaire lors de ce procès ?À l'instar de tous les procès terroristes, les audiences vont se dérouler devant une « Cour d'assises spécialement constituée« . C'est cette caractéristique qui fait que, contrairement aux autres affaires de meurtre ou de viol jugées aux assises, il n'y a pas de jury populaire.
La cour est uniquement composée de magistrats professionnels. « Un choix qui a été fait pour la protection des citoyens, précise Charlotte Piret, journaliste au service enquêtes et justice de France Inter, dans le documentaire 13 novembre, l'audience est ouverte. On estime qu'il peut y avoir des menaces sur les citoyens, dans une matière particulièrement dangereuse et qui soulève des questions de sécurité plus importantes. »
Qui sera en charge de la défense de Salah Abdeslam ?Salah Abdeslam est le principal accusé de ce procès. Seul survivant des commandos du 13-Novembre, il a été arrêté en mars 2016. Depuis, il est incarcéré au 4ème étage de la prison de Fleury-Mérogis (Essonne). Depuis son interpellation, le Franco-Belge observe son droit au silence qu'il n'a brisé qu'une fois, lors de son procès en 2018 à Bruxelles pour sa participation à une fusillade contre les forces de l'ordre.
Face à ce mutisme, ses avocats belges et français ont renoncé à le représenter le comparant à un « cendrier vide » à « l'abyssale vacuité ». C'est donc l'avocate de 31 ans, Olivia Ronen qui a repris le dossier après avoir été contactée, il y a trois ans, par Salah Abdeslam. Elle est une ancienne secrétaire de la Conférence du barreau de Paris, des avocats élus par leurs pairs à l'issue d'un concours d'éloquence pour être commis d'office dans des dossiers d'assises.
En 2018, l'avocate a défendu un ancien militaire français qui a combattu en Syrie aux côtés de Daech. La même année, elle assiste un des mis en cause dans l'attentat de Nice. Au cours du dossier, ce dernier se suicide. Un choc pour l'avocate qui en ressort « encore plus déterminée à se battre pour la défense de ses clients », a-t-elle livré à France Inter.
Salah Abdeslam est-il obligé d'assister aux audiences ?Tout dépend du président de la Cour. Si Salah Abdeslam refuse de sortir de sa cellule, une sommation lui sera faite « au nom de la loi, par un huissier commis à cet effet par le président, et assisté de la force publique », selon l'article 319 du Code de procédure pénale.
S'il n'obtempère pas à la sommation, « le président peut ordonner qu'il soit amené par la force devant la cour » ou bien « après lecture faire à l'audience du procès-verbal constatant sa résistance, ordonner que, nonobstant son absence, il soit passé outre aux débats » selon l'article 320 du Code de procédure pénale, et donc poursuivre le procès sans lui.
Quel peine encourt-il ?Salah Abdeslam encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Il est poursuivi pour : participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle, meurtres en bande organisée, tentatives de meurtres en bande organisée, séquestration et tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique.
Il est mis en examen pour tous les faits du 13-Novembre, en raison de sa coaction présumée « en relation avec une entreprise terroriste » indiquée dans l'acte d'accusation.
Pourquoi n'y aura-t-il que 14 hommes dans le box des accusés ?20 personnes seront jugées pour déterminer leur implication dans la préparation ou la réalisation des attentats du 13-Novembre mais seules 14 seront dans le box des accusés.
Cinq individus, dont les frères Clain, sont en fuite et présumés morts mais sans preuve formelle. Le sixième est détenu en Turquie et refuse son extradition.
Qui peut assister au procès ?À l'instar de toute audience pénale, ce procès est accessible au public. Toutefois, le nombre de parties civiles, d'avocats et de journalistes est tel que les places seront limitées.
En tout, onze salles de retransmission ont été mises à disposition de ce procès – en dehors de la salle des pas perdus -, permettant à la cour d'appel d'accueillir en simultané 2 000 personnes, en incluant les 500 de la salle principale et les professionnels.
Pourquoi Jawad Bendaoud, le logeur d'Abdelhamid Abaaoud et de son complice Chakib Akrouh, n'est pas présent lors du procès du 13-Novembre ?Jawad Bendaoud a déjà été condamné en 2019 à quatre ans de prison pour « recel de malfaiteurs terroristes ». C'est lui qui avait fourni le logement à Abdelhamid Abaaoud et son complice Chakib Akrouh à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), où ils se sont retranchés après les attaques du 13-Novembre. C'est là que les deux terroristes sont morts dans l'assaut des policiers du Raid, le 18 novembre 2015.
Pourquoi le procès est-il filmé ? Pourra-t-on voir les images ?Sur réquisitions du parquet national antiterroriste, le Premier président de la Cour d'appel de Paris a autorisé l'enregistrement du procès des attentats de novembre 2015 au titre de la « constitution d'archives historiques de la justice ».
La diffusion de ces images pour un documentaire, une exposition ou encore une simple diffusion, ne pourra se faire que sur autorisation du tribunal judiciaire de Paris.
Ce dispositif de captation existe depuis 1987 et a été utilisé la première fois lors du procès de Klaus Barbie (11 mai – 3 juillet 1987). Le procès du 13-Novembre sera le 13ème à bénéficier de cette mesure et le deuxième en terrorisme, après celui de Charlie Hebdo.
Une webradio le temps du procès, de quoi parle-t-on ?À événement exceptionnel, dispositif exceptionnel. Pour que les nombreuses parties civiles puissent suivre les débats, une webradio a été mise en place. C'est la première fois en France qu'un tel système est mis en œuvre.
Elle permettra la retransmission des débats en léger différé, de 30 minutes, dont l'accès va être uniquement aux parties civiles qui en feront la demande. La diffusion en différé doit permettre d'éviter de retransmettre tous propos déplacés qui pourraient être tenus par les accusés. Les victimes et leurs proches pourront être accompagnés par une aide psychologique des membres de l'association Paris Aide aux victimes.
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